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Restez SAFE avec le financement de vos start-ups

Restez SAFE avec le financement de vos start-ups

Amélie Côté [1]
ROBIC, S.E.N.C.R.L.
Avocats, agents de brevets et de marques de commerce

Les start-ups du secteur des technologies sont toutes confrontées à leur lot de difficultés, qu’il s’agisse d’évaluer leurs actifs, de protéger leur propriété intellectuelle ou de préserver leur avantage concurrentiel. Cependant, pour la plupart, le premier défi consiste généralement à trouver du financement adéquat. Le plus souvent, les sociétés de capital de risque au Canada choisissent des instruments juridiques comme des titres de créance sous forme de billets à ordre convertibles ou l’émission d’actions privilégiées convertibles. Depuis quelques années, de plus en plus d’investisseurs canadiens se tournent vers un autre instrument, adopté aux États‑Unis dans la Silicon Valley : les Simple Agreements for Future Equity, ou SAFE. Comme leur nom l’indique, les SAFE sont simples, mais il faut soigneusement évaluer leur utilisation par rapport aux besoins des start-ups, et l’adapter au cas par cas.

  1. Que sont les SAFE?

Y Combinator, l’un des principaux accélérateurs de start-ups[2] de la Silicon Valley, a lancé le concept des Simple Agreements for Future Equity, ou SAFE, vers la fin de l’année 2013[3]. Ces instruments de financement uniques permettent aux sociétés de capital de risque de convertir leur investissement en actions à la clôture d’un financement subséquent par actions privilégiées. Comme ils permettent un financement rapide, efficace et rentable, les SAFE sont désormais utilisés partout dans le monde pour financer le départ des start-ups.

2. Variantes

En règle générale, les SAFE varient en fonction de trois éléments négociés entre les parties : un plafond d’évaluation, un escompte et une clause de la nation la plus favorisée. En fait, un SAFE peut présenter un de ces éléments, ou une combinaison de ceux-ci.

  • Plafond d’évaluation après injection de capitaux : les investisseurs peuvent négocier un plafond de conversion en actions de l’investissement. Ainsi, l’investissement sera converti lorsque le plus bas de ces montants sera atteint : i) l’évaluation du financement par capitaux propres subséquent; ii) le plafond d’évaluation.
  • Escompte : un escompte peut être appliqué au moment de la conversion. Dans un tel cas, à la clôture d’un futur financement par capitaux propres, l’investisseur partie à un SAFE verra son investissement converti en un nombre d’actions égal à l’investissement, à un prix réduit.
  • Clauses de la nation la plus favorisée : une telle clause permettrait à l’investisseur de convertir son investissement par capitaux propres à des conditions identiques à celles qui auraient pu être proposées aux investisseurs subséquents.
  • Principaux avantages

3. Les SAFE offrent généralement les avantages ci-dessous.

  • Simplicité : comme leur nom l’indique, les SAFE sont relativement simples, tant dans la forme que dans l’utilisation. Les modèles d’accords fournis par Y Combinator[4] font en moyenne cinq (5) pages. À titre comparatif, les conventions de billets à ordre convertibles nécessitent la mise en place de plusieurs ententes, souvent beaucoup plus longs. De plus, les SAFE n’exigent pas le consentement coordonné à une clôture unique et simultané de tous les investisseurs[5]. Ainsi, les négociations des SAFE sont relativement courtes par rapport à celles qu’exigent d’autres types d’instruments de financement. En fait, les principales conditions négociées sont le plafond d’évaluation, l’escompte et la clause de la nation la plus favorisée, le cas échéant.
  • Aucune évaluation requise : contrairement à d’autres instruments de financement, les SAFE n’exigent pas des parties qu’elles évaluent, négocient et déterminent la valeur de la société, un processus souvent long et coûteux.
  • Libres d’intérêts et de dettes : étant donné que les SAFE ne constituent pas une dette, non seulement l’entreprise n’est pas tenue de les divulguer dans ses bilans, mais aucun intérêt ne court.
  • Conversion en actions privilégiées : les SAFE prévoient généralement une conversion de l’investissement en actions privilégiées de la société. Cette approche se distingue de celle de nombreuses conventions d’achat de billets à ordre standards, qui prévoient souvent la conversion de l’investissement en actions ordinaires.
  • Aucun remboursement : en règle générale, les SAFE ne prévoient pas le remboursement de l’investissement, contrairement aux titres de créance convertibles.

4. Les SAFE pourraient-ils convenir à vos prochains financements?

À l’époque de leur mise sur pied par le Y Combinator, les SAFE ont été présentés comme possédant « les avantages d’une dette convertible, sans certains de ses inconvénients », notamment les dates d’exigibilité et les intérêts[6]. Cependant, bien que les SAFE puissent convenir à de nombreuses entreprises de la Silicon Valley, leur arrivée auprès des start-ups canadiennes et québécoises peut poser quelques problèmes, notamment pour les investisseurs qui ne sont pas prêts à accepter les risques inhérents à cet instrument. En réalité, les SAFE sont de simples ententes contractuelles au titre desquelles un investissement de liquidités est converti en actions à la réalisation d’une condition : l’achèvement d’une ronde de financement par actions privilégiées. Par conséquent, si une telle ronde n’a pas lieu, la conversion en actions des SAFE risque de ne jamais se produire. Il s’agit d’une distinction majeure par rapport aux titres de créance garantis, qui sont toujours convertis ou payables à un moment donné, que ce soit à un prix à terme ou à une date d’exigibilité donnée.

5. En conclusion

Bien que l’injection de capitaux au moyen d’un SAFE puisse sembler être un choix évident en raison de ses nombreux avantages, les particularités de ces accords peuvent avoir des effets à long terme sur une entreprise. De plus, la plupart des modèles de SAFE facilement accessibles reposent sur le droit des États-Unis; il leur manque plusieurs caractéristiques particulières au droit canadien et québécois. Par conséquent, il serait sage pour toute start-up canadienne de se faire évaluer par des professionnels, tant financiers que juridiques, afin de veiller à utiliser des instruments juridiques adaptés à ses besoins de financement, qu’il s’agisse d’instruments traditionnels de garantie de la dette ou d’instruments plus modernes, comme les SAFE ou les Keep it Simple Securities[††] (KISS).


© CIPS, 2020.

[1] Amélie Côté est avocate chez ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats et d’agents de brevets et de marques de commerce.

[2] Alejandro CREMADES (2018). 10 Startup Accelerators Based on Successful Exits, Forbes.Consulté en ligne le 5 février 2020 : https://www.forbes.com/sites/alejandrocremades/2018/08/07/top-10-startup-accelerators-based-on-successful-exits/#36a592b34b3b
[3] Carolynn LEVY (2018). Safe Financing Documents, Y Combinator. Consulté en ligne le 5 février 2020 : https://www.ycombinator.com/documents/#safe
[4] Idem.
[5] Idem.
[6] Y Combinator (2013). Announcing the Safe, a Replacement for Convertible Notes, Y Combinator. Consulté en ligne le 5 février 2020 : https://blog.ycombinator.com/announcing-the-safe-a-replacement-for-convertible-notes/
[7] Gregory RIATEN (2014). 500 Startups Announces ‘KISS’, 500 Startups. Consulté en ligne le 5 février 2020 : https://500.co/kiss/.