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Nouvelle obligation de divulguer un contrat de prête-nom

Nouvelle obligation de divulguer un contrat de prête-nom

Jules Gaudin et Amélie Côté [1]
ROBIC, S.E.N.C.R.L.
Avocats, agents de brevets et de marques de commerce

Saviez-vous qu’il est nécessaire de divulguer à Revenu Québec tout contrat prête-nom? En effet, depuis la présentation du Projet de loi 42 Loi donnant suite à des mesures fiscales annoncées à l’occasion du discours sur le budget du 21 mars 2019 et à certaines autres mesures[2] (le « Projet de Loi 42 »), cette divulgation est requise pour tout contrat de prête-nom conclu après le 16 mai 2019 ou conclu avant le 17 mai 2019, si les conséquences fiscales de l’opération comprenant la conclusion du contrat se poursuivent à cette date ou après cette date. Le ministère des Finances du Québec a publié le Bulletin d’information 2019-5 le 17 mai 2019[3] (le « Bulletin ») qui clarifie ce mécanisme de divulgation obligatoire et les nouvelles règles relatives aux prête-noms.

Le présent avis vise à résumer les modalités de cette nouvelle obligation et expliquer la mise en œuvre de celle-ci.

Qui est concerné?

Cette mesure va s’appliquer à tout contrat de prête-nom qui aurait été conclu le ou après le 17 mai 2019.

À titre de rappel, un contrat prête-nom est un mandat par lequel une première personne, le mandant, donne le pouvoir à une autre personne, le mandataire, de contracter avec un tiers pour son compte. L’objectif est généralement de le faire sans dévoiler au tiers que le mandataire agit pour le compte du mandat, le mandataire se présentant aux yeux du tiers comme agissant en son nom propre. C’est une forme de contrat courant dans le cadre de transactions immobilières, notamment lorsqu’il est souhaitable qu’une partie reste anonyme pour protéger, par exemple, la confidentialité des investissements.

Cette mesure s’applique également aux contrats qui auraient été conclus avant le 17 mai 2019 si les conséquences fiscales de l’opération ou de la série d’opérations à laquelle un contrat de prête-nom se rapporte ont un impact le ou après le 17 mai 2019. Il n’y a pas de limite de temps dans le passé à l’application de cette mesure. Cette divulgation est nécessaire même si l’existence du contrat prête-nom a déjà été divulguée à Revenu Québec dans une déclaration de revenus d’une société.

En somme, tant que les conséquences fiscales ont un impact le ou après le 17 mai 2019, la mesure s’appliquera au contrat concerné.

Que faut-il divulguer?

La divulgation devrait être faite au moyen du formulaire[4] prescrit par Revenu Québec. Les parties au contrat de prête-nom devant être divulgué doivent indiquer :

  • La date du contrat de prête-nom;
  • L’identité des parties au contrat de prête-nom;
  • Une description complète des faits relatifs à l’opération ou à la série d’opérations à l’égard de laquelle le contrat de prête-nom se rapporte ainsi que l’identité de toute personne ou entité à l’égard de laquelle cette opération ou série d’opérations entraîne des conséquences fiscales;
  • Les autres renseignements demandés dans le formulaire prescrit.

Quand faut-il divulguer?

Faisant suite à une communication du 22 août 2019[5], un assouplissement a été accordé concernant le délai de production des déclarations de renseignement. L’objectif est de permettre aux personnes et aux entités concernées de s’acquitter de cette nouvelle obligation de manière optimale.

Un contrat de prête-nom devra être divulgué à la plus tardive des dates suivantes :

  • Le 90e jour qui suit la date de la conclusion du contrat;
  • Le 90e jour qui suit la date de la sanction du Projet de loi 42 à venir comprenant les mesures relatives à l’obligation de divulgation d’un contrat de prête-nom.

On notera tout de même que le Projet de loi 42 n’a pas encore fait l’objet de sanction, mais conformément aux principes fiscaux, les lois fiscales sont applicables dès leurs annonces par le ministre des Finances. Il s’agit donc d’une loi rétroactive et il sera donc important de se conformer rapidement aux nouvelles obligations lorsque celles-ci seront applicables.

Quelles sanctions pour non-divulgation?

En cas d’omission de fournir les renseignements prescrits dans le délai applicable, les parties au contrat de prête-nom concerné encourent solidairement une pénalité de base de 1 000 $, à laquelle vient s’ajouter une pénalité supplémentaire de 100 $ par jour, à compter du deuxième jour, que dure l’omission, et ce jusqu’à concurrence d’un total de 5 000 $.

Par ailleurs, si cette déclaration n’est pas dûment transmise dans le délai applicable, le délai de prescription qui serait par ailleurs applicable à une année d’imposition d’une personne prenant part au contrat de prête-nom sera suspendu relativement aux conséquences fiscales qui découleraient d’une opération ou d’une série d’opérations survenue cette année et qui s’inscrivent dans le cadre du contrat de prête-nom. Ce délai de prescription d’une durée normale de trois ans serait ainsi prolongé et ne commencerait à courir pour les parties qu’au moment de la divulgation du contrat prête-nom concerné.

Observation

À titre subsidiaire, on notera tout de même que la portée du terme « conséquences fiscales » reste encore incertaine. Il sera donc difficile d’évaluer si un contrat de prête-nom existant et les opérations qui s’y rapportent continuent d’entraîner des conséquences fiscales le ou après le 17 mai 2019, justifiant la divulgation des informations qui s’y rapportent.

Pour de plus amples renseignements concernant ces nouvelles obligations, n’hésitez pas à communiquer avec un des membres de notre secteur Transactionnel et Droit des Affaires!


© CIPS, 2020.

[1] Jules Gaudin et Amélie Côté sont avocats chez ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats et d’agents de brevets et de marques de commerce.

[2] Projet de loi 42 Loi donnant suite à des mesures fiscales annoncées à l’occasion du discours sur le budget du 21 mars 2019 et à certaines autres mesures – Assemblée nationale du Québec.

[3] Bulletin d’information 2019-5 – Ministère des Finances du Québec.

[4] Disponible en ligne sur le site de Revenu Québec.

[5] Obligation de divulguer un contrat de prête-nom, 22 août 2019, Revenu Québec.