Diversifier son offre de produits pour lutter contre la COVID-19 : quelles implications au niveau des marques de commerce?

Diversifier son offre de produits pour lutter contre la COVID-19 : quelles implications au niveau des marques de commerce?
Geneviève Hallé-Désilets [1] et Catherine Bergeron [2]
ROBIC, S.E.N.C.R.L.
Avocats, agents de brevets et de marques de commerce
De Pur Vodka à Tristan, qui se sont récemment lancés dans la production de désinfectant à mains et de visières médicales respectivement, les exemples d’entreprises ayant diversifié leur offre de produits pour pallier le manque de matériel médical et de produits d’hygiène sont de plus en plus nombreux en cette période de crise créée par la COVID-19. Ces nouveaux produits peuvent être offerts en association avec une marque de commerce existante bénéficiant déjà d’un achalandage, ou encore en association avec une nouvelle marque de commerce. Qu’en est-il de la protection de la marque? Ces entreprises continueront-elles d’offrir ces nouveaux produits une fois la crise terminée? Nul ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais il demeure que la question mérite un rappel des notions essentielles en matière de marques de commerce, notamment en ce qui concerne l’importance de l’emploi et de l’enregistrement. Même en pleine gestion de crise, la vigilance s’impose afin de protéger ses droits sur une marque de commerce.
Rappel des notions essentielles
D’abord, rappelons qu’une marque de commerce est un signe (notamment un ou des mots, un slogan ou un dessin) qui sert à indiquer au public la source de produits et services disponibles sur le marché, pour les distinguer de ceux des autres.
Au Canada, contrairement à la plupart des autres pays, c’est l’emploi d’une marque de commerce sur le marché qui génère les droits sur cette dernière, et non l’enregistrement. L’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits signifie le fait d’apposer cette marque sur les produits eux-mêmes ou sur leurs étiquettes ou emballages de sorte que les consommateurs puissent prendre connaissance de la marque au moment de l’achat d’un produit. En ce qui concerne des services, l’emploi d’une marque de commerce signifie le fait de l’utiliser ou de la montrer dans l’exécution ou l’annonce de ces services.
Cela dit, l’enregistrement d’une marque de commerce, qui viendra confirmer les droits dans une marque, confère de nombreux avantages, dont les suivants. D’abord, l’enregistrement a une portée fédérale, ce qui signifie qu’une entreprise titulaire d’un enregistrement qui emploie sa marque de commerce au Québec seulement pourra néanmoins faire valoir ses droits partout au Canada. Par ailleurs, depuis l’adoption des récentes modifications à la Loi sur les marques de commerce, il est maintenant possible de faire, à partir d’une demande ou d’un enregistrement canadien, une seule demande d’enregistrement international qui désigne par la suite les pays d’intérêt. Ensuite, l’enregistrement confère une plus grande valeur monétaire à la marque de commerce, en raison notamment de la certitude sur l’étendue de son monopole, ce qui est bien souvent un prérequis dans un contexte de licence ou de franchise. Finalement, la durée d’un enregistrement au Canada est de dix (10) ans, et cet enregistrement peut être renouvelé en principe indéfiniment; au contraire, une marque de commerce qui n’est pas employée ni enregistrée peut être reprise par un tiers, sous réserve des droits résiduels dans son achalandage.
Diversification de produits : actions à prendre
Dans le cas de l’adoption d’une nouvelle marque de commerce employée en lien avec de nouveaux produits, nous conseillons le dépôt d’une demande d’enregistrement visant cette marque de commerce, dès que possible. Bien que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« l’OPIC ») ait reporté au 1er mai 2020[*], en raison de la restriction des activités liée à la COVID-19, tous les délais prévus pour la période entre le 16 mars et le 30 avril 2020, l’OPIC continue ses opérations et traite toute nouvelle demande d’enregistrement. Il demeure donc important de déposer rapidement une demande d’enregistrement visant une nouvelle marque de commerce, notamment afin d’éviter tout conflit occasionné par le dépôt antérieur d’une demande d’enregistrement visant une marque de commerce pouvant créer de la confusion. De plus, tel que mentionné, dans plusieurs pays, seul l’enregistrement d’une marque de commerce confère des droits sur celle-ci.
Dans le cas d’une marque de commerce déjà enregistrée, mais employée en lien avec de nouveaux produits, la recommandation est de déposer une demande de modification afin d’étendre la portée de l’enregistrement à ces nouveaux produits. Il est normal que les projets commerciaux d’une entreprise évoluent au fil du temps (ou d’adaptent rapidement à des nouvelles circonstances!) et il est important que l’enregistrement d’une marque de commerce reflète sa réalité commerciale afin de maximiser sa protection et sa valorisation. Encore une fois, malgré le report de délais, l’OPIC traite actuellement de telles demandes de modifications.
En somme, que des nouveaux produits soient offerts en lien avec une marque de commerce nouvelle ou existante, selon le cas, nous recommandons le dépôt d’une demande d’enregistrement visant la marque de commerce, ou encore le dépôt d’une demande de modification de l’enregistrement de la marque de commerce existante. Dans les commentaires et recommandations qui précèdent, nous avons mis l’accent sur la diversification des produits d’une entreprise dans le contexte actuel où il y a un besoin criant de certains types de produits visant la protection de la population et du personnel médical, mais ces recommandations s’appliquent tout autant aux entreprises qui auraient intégré une nouvelle offre de services. Il importe de garder en tête la protection de vos marques de commerce, même en cette période de turbulence, et peu importe la nature de votre entreprise. Nous vous rappelons que notre équipe de professionnels en marques de commerce est toujours disponible pour vous conseiller sur les stratégies à adopter dans les circonstances.
Bravo à toutes ces entreprises qui adaptent ingénieusement leurs activités pour venir en aide à la population!
© CIPS, 2020.
[1] Geneviève Hallé-Désilets est avocate chez ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats et d’agents de brevets et de marques de commerce.
[2] Catherine Bergeron est avocate, agente de marques et associée chez ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats et d’agents de brevets et de marques de commerce.
[3] Pour toutes les informations à jour à ce sujet, consultez: https://www.ic.gc.ca/eic/site/cipointernet-internetopic.nsf/fra/wr00050.html