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Conséquences liées à la poursuite des activités non-essentielles

Conséquences liées à la poursuite des activités non-essentielles

Amélie Côté[1] et Magdalena Choneva [2]
ROBIC, S.E.N.C.R.L.
Avocats, agents de brevets et de marques de commerce

Le 5 avril dernier, le premier ministre Legault a prolongé la suspension de toute activité en milieu de travail, sauf à l’égard des milieux de travail où sont offerts des services « prioritaires » ou communément appelés services « essentiels », jusqu’au 4 mai, 2020.  Cette suspension, qui était initialement ordonné par l’adoption du Décret 223-2020 le 24 mars dernier (ci-après, le « Décret »), est une des nombreuses mesures mises en place par le gouvernement québécois pour freiner la propagation de la maladie liée au coronavirus 2019 (ci-après « COVID-19 »). Malgré le fait que cette suspension soit difficile pour plusieurs entreprises et commerces qui ont des activités non-essentielles, la violation du Décret peut s’avérer très couteuse.   

Le présent article vise à brièvement résumer le décret 223-2020 et à informer les entreprises des obligations connexes ainsi que de l’ensemble des conséquences auxquelles elles s’exposent en cas de non-respect de celui-ci. 

LE DÉCRET 223-2020 EN BREF
But
En adoptant le Décret, le gouvernement tente de limiter les contacts humains et les déplacements non essentiels des employés, clients et tiers, afin de freiner la propagation de la COVID-19 et ainsi protéger la santé de la population québécoise.  

Qu’est-ce qu’un service ou commerce « prioritaire »?
Le gouvernement québécois a mis en annexe du Décret, ainsi que sur leur site web, une liste des services et commerces désignés comme étant prioritaires. 

Parmi les entreprises qui offrent des services prioritaires, on y retrouve notamment :

  • Établissements du réseau de la santé et des services sociaux;
  • Pharmacies;
  • Épiceries et autres commerces d’alimentation;
  • Société québécoise du cannabis; et
  • Médias locaux et nationaux.

Il est à noter que la liste est mise à jour régulièrement; il faut donc la surveiller de près.

Obligations des entreprises

Même si les entreprises désignées comme étant prioritaires ont le droit de poursuivre leurs activités, elles doivent s’assurer que leurs employés et clients ou tiers, respectent, dans la mesure du possible, les principes de distanciation sociale.

Si une entreprise ne fait pas partie de la liste, mais considère qu’elle devrait l’être, elle peut faire une demande afin que celle-ci soit désignée comme une entreprise offrant des services prioritaires en remplissant un formulaire disponible en ligne ou en cliquant ici.

Le site du gouvernement du Québec précise également que les entreprises qui ne sont pas désignées comme étant prioritaires, excluant les commerces, peuvent maintenir un niveau d’opérations minimum afin d’assurer la reprise de leurs activités, tout en tenant compte des directives de la santé publique.[3]

Finalement, il est important de noter que le télétravail et le commerce en ligne demeurent permis en tout temps pour toutes les entreprises, qu’elles soient désignées ou non comme étant prioritaires. D’ailleurs, le gouvernement précise dans le Décret que les services de transport, d’entreposage et de distribution de marchandises sont des services prioritaires maintenus, sans égard au fait que les marchandises sont reliées à des services prioritaires ou non. Ainsi, toute activité corollaire au commerce en ligne, dont le transport, l’entreposage et la distribution, demeure possible sous le Décret. 

Conséquences potentielles en cas de violation


Le Décret lui-même ne précise pas de sanctions spécifiques en cas de violation des interdictions. Par contre, les entreprises, commerces ou travailleurs autonomes qui ne respectent pas les mesures énoncées dans le Décret peuvent s’exposer, entres autres, aux conséquences suivantes :

  • Quiconque refuse de respecter la suspension des activités de son entreprise n’offrant pas des services prioritaires commet une infraction passible d’une amende allant de 1 000 $ à 6 000 $ en vertu de la Loi sur la santé publique. De plus, quiconque aide, encourage, conseille ou, par quelque moyen, amène une autre personne à commettre cette infraction s’expose lui-même aux amendes prévues par la loi. En cas de récidive, ces amendes sont doublées.[4] 
  • D’autres amendes allant de 1 500 $ à 60 000 $ peuvent également trouver application en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail si une entreprise offrant des services non-prioritaires ne suspend pas ses activités et que cela compromet la santé, la sécurité et l’intégrité physique de leurs employés.[5]
  • Une entreprise contrevenant à l’ordonnance de suspension doit aussi considérer les conséquences pénales en vertu du Code de procédure pénale. En effet, un agent de la paix a le pouvoir de procéder à l’arrestation d’une personne qui commet une infraction à la Loi sur la santé publique, si une arrestation s’avère le seul moyen raisonnable à sa disposition pour mettre un terme à la perpétration de l’infraction.[6]
  • De façon générale, une entreprise contrevenant à l’ordonnance de suspension pourrait aussi, en théorie, engager sa responsabilité civile. Dans ce cas, le plaignant, par exemple un client ou un tiers, devra ainsi établir non seulement la faute de l’entreprise (la violation du Décret) et le dommage résultant de celle-ci, mais aussi le lien causal entre les deux (le fait que celui-ci ait été infecté par la COVID-19 en raison de cette violation). Même si le dernier élément semble difficile à prouver, il est prudent de ne pas exclure l’engagement de la responsabilité civile comme conséquence potentielle à la violation du Décret.

Dans tous les cas, il faudra rester alerte aux nouveaux développements de cette situation sans précédent, puisque le gouvernement pourrait décider de prolonger la suspension à nouveau ou de resserrer la pression sur les contrevenants à tout moment.

Pour de plus amples renseignements ou pour toutes questions concernant les services et activités de vos entreprises, n’hésitez pas à communiquer avec nous!


© CIPS, 2020.

[1] Amélie Côté est avocate chez ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats et d’agents de brevets et de marques de commerce.
[2] Magdalena Choneva a été chez ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats et d’agents de brevets et de marques de commerce jusqu’en avril 2020.

[3] Québec.ca (2020). Réduction au minimum des services et activités non prioritaires, Québec.ca. Récupéré le 2 avril 2020 de https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/fermeture-endroits-publics-commerces-services-covid19/.
[4] Loi sur la santé publique, RLRQ, c. S-2.2, art. 139, 141 et 142.
[5] Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S.-2-1, art. 236 et 237.
[6] Code de procédure pénale, CQLR c C-25.1, art. 75.