Baisse d’impôts pour les sociétés innovantes !

Par Louis-Pierre Gravelle

Le gouvernement du Québec a annoncé dans son dernier budget des mesures fiscales visant les sociétés innovantes. Ces mesures viennent s’ajouter aux autres mesures en place, afin de promouvoir la recherche et le développement et la commercialisation des fruits de cette recherche.

Crédits d’impôt à la R&D

Rappelons que le Québec, comme plusieurs autres juridictions, offre un crédit d’impôt à la R&D. Bien que le gouvernement ait fixé un seuil d’admissibilité de 50,000$ non remboursable en 2015, cette mesure vise à encourager les entreprises à effectuer de la R&D, et favorise un environnement plus dynamique.

Programme premier brevet

L’an dernier, le gouvernement a également lancé le programme Premier brevet. Ce programme vise à rembourser les frais liés au dépôt et à l’obtention d’un brevet pour les entreprises québécoises qui n’ont pas auparavant déposé de demandes. L’enveloppe budgétaire pour les années 2015-2016 est présentement épuisée, mais ce programme, selon toutes attentes, sera renfloué en 2016-2017, et 2017-2018. Le gouvernement n’a pas divulgué le nombre exact d’entreprises ayant pu se qualifier, il est donc difficile de mesurer l’impact réel de ce programme.

Déduction pour sociétés innovantes

Le gouvernement continue de bâtir sur ces mesures incitatives, et a annoncé une réduction d’impôt pour les sociétés innovantes, afin d’offrir un soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle québécoise. Cette mesure, parfois appelée « patent box », vise à traiter les revenus provenant de l’exploitation d’une technologie brevetée différemment des autres revenus d’une société. Ainsi, à compter du 1er janvier 2017, cette déduction permettra aux entreprises du secteur de la fabrication commercialisant un produit qui incorpore une technologie brevetée de bénéficier d’un taux d’imposition de 4% au lieu de 11,8%.

Le gouvernement vise ici à favoriser l’investissement dans le secteur manufacturier innovant, de retenir la propriété intellectuelle au Québec, et d’augmenter la compétitivité des entreprises québécoises. On tente également d’encourager la production et la commercialisation de biens résultant de brevets portant sur des inventions conçues au Québec. Dans les documents accompagnant le dépôt du budget provincial, on indique également vouloir inciter les entreprises innovantes à choisir le Québec pour leurs activités à haute valeur ajoutée de fabrication et de R&D.

Les détails précis concernant l’admissibilité n’ont pas encore été dévoilés. Cependant, on sait que les sociétés admissibles sont les sociétés qui exploitent une entreprise au Québec dont le capital versé est supérieur à 15M$ et donc les activités au Québec sont principalement des activités de fabrication et de transformation.

Les revenus doivent provenir d’un brevet admissible incorporé à un bien fabriqué au Québec. On peut penser que non seulement les brevets portant sur des objets en tant que tels seront admissibles, mais aussi les brevets de méthode servant à fabriquer l’objet en question. La question se pose par rapport aux industries de biotechnologie et des TIC – est-ce que le gouvernement adoptera une interprétation généreuse du mot « objet », ou est-ce que le gouvernement vise plutôt les entreprises manufacturières traditionnelles ? Nous suivons de très près ce dossier, et dès que des informations complémentaires seront disponibles, nous les partagerons.

Pour qu’un brevet soit par ailleurs admissible, il doit être détenu par une société ayant un établissement au Québec. Il doit de plus protéger une invention, dont le développement a été supporté à l’aide de crédits d’impôts à la R&D québécois. Cette exigence articule la volonté du gouvernement de prévoir un régime incitatif qui est hermétique – la société qui désire en bénéficier doit avoir auparavant fait des démarches au Québec et se prévaloir des crédits d’impôt à la R&D au Québec. On ne vise donc pas à encourager les entreprises qui n’ont pas encore un pied au Québec à s’installer et bénéficier immédiatement de la déduction.

Autre condition importante, le brevet doit résulter d’une demande qui a été déposée le jour suivant le discours sur le budget. Une demande doit donc porter une date de dépôt postérieure au 17 mars 2016. La question se pose ici à savoir si une demande prioritaire aurait été déposée il y a moins d’un an pourrait permettre à une entreprise de bénéficier de la déduction.

L’introduction de cette mesure en fiscalité québécoise permet donc de cristalliser la vision du gouvernement en matière de mesures d’aide fiscales et budgétaires à l’innovation, qui forment maintenant un tout à partir de la R&D jusqu’à la commercialisation et la production de l’objet en question.

Une discussion avec votre professionnel en matière de propriété intellectuelle et avec votre professionnel en matière de fiscalité s’impose, afin de mettre en place les mécanismes pour préparer et déposer des demandes de brevets qui sont le fruit de R&D réalisée au Québec, et identifier les revenus qui proviennent de l’exploitation de cette PI pour bénéficier de la déduction.