Le Crowdfunding : Une excellente façon de… commettre des erreurs avec sa propriété intellectuelle!
Par Vincent Bergeron
Aspect 1 : Quelles informations divulguer publiquement?
Avant d’entamer l’analyse juridique, il importe de mieux comprendre la réalité de l’entreprise ou de l’individu derrière un projet financé par le crowdfunding. Bien que la protection des divers éléments de PI soit un atout pour tout projet, la personne ou l’entreprise doit souvent opter pour une gestion très stricte de ses ressources financières. Trop souvent, l’instigateur du projet mettra davantage l’accent sur le développement du produit ou service plutôt que sur sa protection, ce qui peut dans certains cas s’avérer une erreur stratégique importante.
À la différence d’un mode de financement privé plus conventionnel, le crowdfunding se prête plutôt mal aux ententes de confidentialité, compte tenu que le fondement même du crowdfunding est le partage de son projet ou de son idée avec le public. Donc, quelle que soit la stratégie de PI considérée, il convient de garder à l’esprit qu’un partage d’informations sensibles concernant les produits et services ou la stratégie commerciale d’une entreprise est susceptible d’attirer l’attention des concurrents souhaitant pénétrer le segment de marché convoité. Il est donc primordial de sélectionner avec grand discernement les informations que l’on divulguera publiquement, afin d’éviter la reproduction par un tiers de son modèle d’affaires ou de son produit.
La personne ou l’entreprise qui fait appel au Crowdfunding doit donc jauger l’équilibre souhaitable entre la protection et la confidentialité de certains de ses actifs de PI avec la divulgation de suffisamment d’information pour créer un engouement dans le public afin de lever suffisamment de fonds.
Aspect 2 : Les risques liés à la divulgation d’une invention susceptible d’être protégée par un brevet
L’article 28.2 de la Loi sur les brevets prévoit qu’à compter de la divulgation publique de l’invention par l’inventeur, ce dernier dispose d’un délai d’un an pour déposer une demande de brevet formelle, sans quoi il voit la matière potentiellement brevetable devenir de l’art antérieur et l’invention perdre son caractère de nouveauté. Cette période de grâce d’un an suivant une divulgation publique de l’invention n’existe pas dans la plupart des systèmes juridiques autres que ceux du Canada et des États-Unis, de sorte que la divulgation publique de l’invention par l’inventeur risquera de rendre l’invention non brevetable dans une majorité de pays.
Une solution à la problématique de la divulgation non protégée par les moyens de protection de PI est de procéder au dépôt d’une demande de brevet avant toute divulgation publique de l’invention. Il sera donc possible de divulguer l’invention publiquement après le dépôt de cette demande de brevet, tout en pouvant mentionner aux nombreux contributeurs qu’ils contribuent à financer un produit en instance de brevet.
Il est également à noter que nos commentaires relatifs à la divulgation publique d’une invention potentiellement brevetable sont également applicables, avec les ajustements qui s’imposent, à la divulgation publique de l’aspect visuel du produit, qui pourrait quant à lui être protégeable par dessin industriel.
Aspect 3 : À qui la marque de commerce?
L’enregistrement d’une marque de commerce n’est pas obligatoire au Canada pour bénéficier d’une protection minimale et limitée géographiquement. Ceci dit, seul l’enregistrement peut conférer à un titulaire le droit exclusif à l’emploi de sa marque de commerce dans l’ensemble du pays, en association avec ses produits ou services. Il est recommandé de procéder à l’enregistrement d’une marque de commerce rapidement, afin d’éviter tout problème de confusion avec une marque identique ou créant de la confusion qui serait adoptée subséquemment.
Un autre point important à considérer est de déterminer si la marque de commerce retenue par l’entreprise porte à confusion avec une marque de commerce enregistrée ou utilisée antérieurement par un tiers. Dans un tel cas, l’entreprise peut s’exposer à des recours en violation de marque de commerce. Des recherches préalables peuvent être effectuées afin de déterminer si une marque peut validement être enregistrée ou employée sur le marché. La visibilité et le rayonnement de la marque de commerce d’une entreprise étant grandement amplifiés par la publicité offerte par le Crowdfuding, mieux vaut prévenir que guérir!
Conclusion
Il ne peut être fait abstraction du fait qu’une ère nouvelle s’ouvre à nous, une ère où il nous sera bientôt possible, notamment avec l’accessibilité des imprimantes 3D, de copier facilement et à faible coût les idées publiquement accessibles. Il est donc important d’élaborer une stratégie de protection de ses actifs de PI assurant tant sa protection que sa rentabilité. Lorsqu’en début de projet, les actifs financiers ne permettent pas la mise en place d’une stratégie de protection de PI efficace, il est tout de même conseillé d’assurer un minimum de protection et de faire preuve d’une vigilance accrue quant à l’information rendue publique.
Ce qu’il faut retenir : le Crowdfunding est une excellente méthode de lever des capitaux pour les petites entreprises, mais le tout doit être fait avec discernement pour éviter de se faire copier ou de perdre des protections potentielles de sa PI!
Dans la prochaine édition du bulletin, nous traiterons de la législation révisée proposée par l’Autorité des marchés financiers et de la manière dont celle-ci pourrait avoir un impact sur le financement participatif en équité, dont notamment sur la création et l’opération de portails de financement participatif en équité.