Qu’en est-il du « Crowdfunding »?

Par Steven Bento

En 2013 seulement, le phénomène web dénommé financement participatif, collectif, sociofinancement ou Crowdfunding a généré plus de 5 milliards de dollars en dons, et ce, à l’échelle planétaire.

La plateforme Kickstarter a, à elle seule, généré des dons de plus de 24 millions de dollars canadiens1. Les données pour 2014 ne sont pas encore compilées, mais si l’on se fie au succès de plusieurs projets d’envergure tel que Coolest Cooler et Oculus VR ainsi qu’à la couverture médiatique du phénomène, ce dernier ne semble pas avoir ralenti cette année2.

Le présent article s’inscrit dans une série de trois articles qui porteront sur ce sujet d’intérêt qui croit de manière exponentielle.

Les débuts

Ce qui débuta comme un outil pour financer des projets souvent innovateurs tire ses racines du modèle de souscription de mécénat artistique, où les artistes allaient directement vers leur public cible pour financer leur travail3. Autrefois limité à des projets à saveur purement artistique ou avec une visée sociale, le financement collectif constitue aujourd’hui une autre source de financement pour des projets de toutes sortes. Le futur s’annonce prometteur pour ce nouvel outil permettant un accès aux capitaux propres de manière plus démocratique, surtout si on se fie aux règlements mis de l’avant par les divers organismes provinciaux qui encadrent les marchés financiers. Chez nos voisins du sud, les diverses mesures prises depuis quelques années à cet effet dans le Jumpstart Our Business Startups Act témoignent de l’engouement pour ce concept4.

Qu’est-ce que le financement collectif

Le financement collectif consiste à amasser de petites sommes d’argent auprès d’un grand nombre d’investisseurs sur Internet5. Le financement collectif se distingue des modes de financement traditionnels en ce sens qu’il implique un portail de financement web. Le financement collectif tire donc avantage de la grande portée de l’Internet et se traduit par plusieurs petites transactions de financement. Le profil des investisseurs, plus jeunes en l’espèce (20-35 ans), semble aussi être différent de celui des investisseurs traditionnels (45-60 ans). Le phénomène est donc surtout intéressant pour les entreprises au stade embryonnaire, qui peuvent souvent rencontrer des obstacles lorsqu’ils approchent des investisseurs traditionnels.

Les types de financement collectif

Le Crowdfunding se décline en trois versions. Premièrement, le don (« Pledge Crowdfunding ») qui semble permis si on respecte les mesures légales et notamment fiscales en place. Deuxièmement, le don en retour d’un produit ou service (« Donation and reward Crowdfunding ») qui, lui aussi, semble permis avec plus ou moins les mêmes restrictions. Enfin, le financement collectif par voie d’échange d’actions provenant des capitaux propres ou autres valeurs mobilières avec RSI/ROI (« Equity Crowdfunding »). Ce dernier type de financement est en voie d’être règlementé avec entre autres le Projet de Règlement 45-108 sur le financement participatif au Québec.

Aspects légaux

La législation semble plus déficiente au Canada qu’aux États-Unis. Ceci s’explique notamment par le fait que les lois qui s’appliquent à ce domaine furent rédigées avant l’existence du phénomène et que, contrairement à l’existence du Security Exchanges Commission, aucun organe central ne légifère en cette matière. L’impact du partage des pouvoirs entre les paliers fédéral et provincial ainsi que le double objet de la législation en matière de financement d’entreprise (Protection des investisseurs et Facilitation des transactions économiques) sont deux défis de taille auxquels fait face le Crowdfunding. Plus récemment au Québec, le Projet de Règlement 45-108 sur le financement participatif, non sanctionné, vient circonscrire les droits et obligations en matière de financement collectif et semble imposer des obligations qui s’apparentent à celles du projet de Règlement de l’Ontario6.

Quand est-il de la propriété intellectuelle dans tout ça?

La plupart du temps, les projets sont présentés sur la plateforme publique avant même que l’étape de la « preuve de concept » soit complétée, et malheureusement, il est rare que la propriété intellectuelle soit protégée à ce moment dans le processus de développement. Une divulgation publique de l’invention faite par l’inventeur plus d’un an avant le dépôt d’une demande de brevet au Canada a aussi pour effet d’éliminer la brevetabilité de l’invention au Canada. En procédant ainsi, les entités ou individus qui partagent leurs idées, projets et concepts (sous forme embryonnaire ou même de prototype) sur les diverses plateformes de sociofinancement encourent le risque de voir leurs compétiteurs s’approprier leur ressource la plus importante à ce stade, la propriété intellectuelle, et de perdre la possibilité de protéger leurs innovations par brevets.

Ce sujet ainsi que celui qui porte sur la législation en devenir feront d’ailleurs tous deux l’objet d’articles distincts dans les prochaines éditions du bulletin ROBIC.