Comment mettre fin à un contrat (de franchise) verbal?

Par Steven Bento

Récemment, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a dû se prononcer sur la délicate question de la résiliation d’un contrat de franchise verbal qui, à première vue, ne contenait aucune disposition à cet effet.

Les affaires France v. Kumon

La cause France v. Kumon met aux prises Mme France (ci-après « France ») qui opère pendant près de 20 ans à compter de 1991 une franchise de programmes de tutorat et le groupe Kumon Canada Inc. (ci-après « Kumon »), franchiseur. France est une professeure en lecture et mathématiques et de ce fait possède les compétences pour offrir les programmes de Kumon, ce qu’elle fera tout au long de l’entente verbale de franchise. À partir de 1994, Kumon entreprend de faire signer une entente écrite à tous ses franchisés liés par contrat verbal. France refuse de la signer sous prétexte que les conditions financières qui y figurent lui sont défavorables. Pendant une période de près de 16 ans les deux parties multiplient les échanges qui se solderont par un échec empêchant la signature de l’entente écrite. Au 23 décembre 2010, à la suite d’un préavis d’environ 12 mois, Kumon mit fin à l’entente verbale de franchise qui existait entre les parties.

L’analyse de la bonne foi dans le cadre des relations contractuelles entre franchiseur et franchisé amène la Cour à évaluer la pertinence d’une immixtion dans la relation contractuelle (verbale) entre Kumon et France. Elle analyse, d’abord, l’apparence flagrante de relation entre une partie plus forte, Kumon, et une partie bien plus faible, France. Cette analyse aura pour conclusion: « The court will typically look to specific terms of the contract as well as the relationship between the parties to determine whether the contract is perpetual or not. » La Cour juge que, même lorsque les contractants sont deux entreprises bien versées dans le domaine des affaires, il peut être bienvenu d’intervenir pour qu’un contrat nébuleux quant à son mécanisme de terminaison ne se continue pas à perpétuité. En l’espèce, la Cour cite la cause 1397868 Ontario Ltd. v. Nordic Gaming Corp :

« When the term of a contract is not fixed and there is no provision for termination on reasonable notice, a court may treat a contract as either perpetual in nature or as an indefinite term contract into which the court implies a provision of unilateral termination on reasonable notice. »

À la lumière des éléments avancés, le juge Goldstein conclut que le contrat verbal de franchise liant les parties n’était pas perpétuel, mais plutôt indéfini. Suite à des observations supplémentaires soumises par les parties dans la cause France v. Kumon subséquente, la Cour a statué sur une période de préavis raisonnable dans les circonstances.

La Cour a conclu que la relation franchiseur-franchisé était en soit plus semblable à celle prévue dans une entente d’emploi qu’une entente de distribution. La Cour a par contre nuancé cette comparaison en mentionnant que, bien qu’il existe certaines similitudes, le franchisé n’est pas un employé (il est en effet un entrepreneur indépendant) et le franchiseur n’a pas l’obligation d’un fiduciaire envers ledit franchisé.

La Cour a ensuite mis de l’avant certains facteurs qu’elle juge importants lorsqu’on se penche sur la question d’un préavis raisonnable dans le contexte d’un contrat de franchise:

“• The length of the relationship between the franchisee and the franchisor;
• Whether there was a history of oppressive conduct or bad faith on the part of the franchisor;
• Whether there was a history of poor performance by the franchisee;
• Whether the franchisor or franchisee, as the case may be, has acted in good faith throughout the 000000course of the relationship; and,
• Whether there have been violations of the Wishart Act;”

En prenant en compte ces facteurs, la Cour a décidé que le préavis de 12 mois donné à France n’était pas suffisant dans les circonstances et que c’est plutôt une période de préavis de 18 mois qui serait appropriée en l’espèce.

Enfin, la Cour nous rappela que la période de préavis ainsi que les dommages octroyés en faveur de France ne devraient pas être considérés comme étant une règle absolue.

À la vue de cette décision, le gouvernement du Québec proposera pour l’automne prochain des amendements à la Charte de la langue française afin d’obliger les détaillants d’ajouter à leur marque de commerce en anglais, un descriptif en français. Les détails de ce projet de loi seront à suivre…